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AUX MEURTRES DE TRAVAILLEURS RÉPONDONS PAR LA LUTTE CLASSE CONTRE CLASSE !

Lundi dernier trois immeubles se sont effondrés rue d'Aubagne, une rue en plein centre-ville de Marseille, où se mêlent de nombreux commerces et logements. Les autorités parlent pour l'instant d'au moins huit morts et deux blessés.

L'ampleur du drame ne doit pas nous empêcher dès maintenant de pointer du doigt les responsables évidents. Les propriétaires, la mairie, l’État sont évidemment responsables. Même les média les plus réactionnaires sont forcés d'admettre qu'on ne peut pas comme l'a fait Gaudin dire que "c'est la faute de la pluie", mais que la mairie a délibérément tué les habitants de ces immeubles par son inaction. Il en est de même pour les propriétaires qui n'entretiennent pas parce que ça ne rapporte pas, pour l’État qui n'a jamais cherché à contrôler la qualité des logements, les loyers, etc.

Ici et là, on cherche à marginaliser les victimes pour faire passer la pilule en les traitant de "squatteurs", pour les faire passer dans l'opinion publique comme des marginaux dont la mort ne serait pas à déplorer autant que celle d'autres. Non seulement cette rhétorique est monstrueuse mais elle cache une responsabilité supplémentaire de l’État et de la mairie. L'un des immeubles qui se sont effondrés avait fait l'objet un arrêté de péril 2 semaines avant le drame. Ses résidents ont alors été forcés de quitter l'immeuble, sans aucune solution de relogement. Pour eux le choix était entre vivre dehors et retourner "squatter" leur propre appartement, désormais officiellement sur le point de s'effondrer. Cela veut dire que la politique d'hygiène et de sécurité de la ville consiste à mettre à la rue ceux dont le logement est dangereux, ou de les inviter indirectement à mourir à l'intérieur. C'est un meurtre pur et simple, qui n'a comme mobile que le profit.

Un énorme dispositif a été mis en place depuis lundi matin : le cours Lieutaud, une rue parallèle à la rue d'Aubagne et l'une des artères principales de la ville est bloqué, avec les nombreux détours fastidieux et embouteillages que cela implique pour une ville qui est déjà la plus embouteillée de France. Une cellule de crise est en place à la mairie du 1-7, en plein centre-ville sur la Canebière. Plusieurs centaines de pompiers, policiers et gendarmes sont mobilisés 24h/24 avec une trentaine de véhicules, des grues, des campements pour les marins-pompiers sont installées sur le cours Lieutaud... Mais tout cela coûte moins cher à la mairie et à l'État que d'investir dans des rénovations. C'est ce calcul qui a provoqué les morts de lundi, qui en a provoqué d’autres avant et qui en provoquerons sûrement d'autres si rien ne change. Le pouvoir préfère même assumer la responsabilité de ces morts, à laquelle il ne pourra pas échapper totalement, que les coûts des travaux qui auraient pu les éviter, que la création de logements décents pour les travailleurs et les couches populaires.

L'étape qui vient verra sûrement la mairie faire sauter quelques têtes qui serviront de fusibles politiques. Le pouvoir risque de laisser les scandales s'étaler un moment pour que la colère s'exprime, tout en s'assurant qu'elle ne mène à aucun changement significatif. Gaudin n'a déjà pas prévu de se représenter et les élections arrivant, il peut même être prêt  à démissionner si la mairie est trop empêtrée dans le scandale, mais ceci ne changera pas le fond des choses.

D'autre part, il est certain que ce drame sera récupéré à fond par les partisans des grands travaux et du projet Grand Centre Ville pour justifier leurs opérations de spéculation immobilières qui ne visent à rien d'autre qu'augmenter les loyers sur notre dos, blanchir de l'argent et remodeler peu à peu notre ville pour le tourisme de luxe et la finance, pas pour ses habitants.

Ces projets servent de blanchiment d'argent public et mafieux, ils suivent le principe bien connu de socialisation des pertes et de privatisation des bénéfices (à l'image des autoroutes construites avec de l'argent public puis revendues pour exploitation à Vinci et Eiffage pour une bouchée de pain). La mairie donne de l'argent à des entreprises du bâtiment qui surfacturent leurs travaux ou effectuent des tâches non-nécessaires. Une partie de l'argent arrose la bureaucratie municipale et de l'administration de l’État corrompue, sert à acheter les têtes de Force Ouvrière ou encore la partie purement criminelle de la mafia, ... l'autre part beurre les épinards de la bourgeoisie du bâtiment. C'est un exemple parmi tant d'autres du clientélisme bourgeois qui est surdéveloppé à Marseille, mais qui existe dans toutes les grandes villes de France. Les magouilles de ce genre sont un secret de polichinelle que la politique bourgeoise ignore soigneusement. Pourtant voilà que la vie les remet sur le devant de la scène, parce que les arrangements comptables de la bourgeoisie et de l'État local ont des conséquences sur la classe ouvrière. Pour un scandale ce sont des dizaines, des centaines qui ne seront jamais connus, ou qui sont légaux tout en étant eux aussi des menaces directes pour la vie de nombreux travailleurs. Ceci n'est pas dû à une dérive du système ou à sa corruption, c'est dû au système lui-même. Ce que nous voyons ne sont pas les excès du capitalisme, c'est le capitalisme lui-même.

Le plan du Grand Centre-Ville est d'élargir la zone du centre-ville, donc de détruire les foyers populaires restants. C'est lié au choix de la bourgeoisie locale et nationale qui est de détruire l'industrie et de réorienter l'économie vers le tourisme et les affaires. Ceci nous le constatons dans tous les aspects de notre intervention sur la vie de la jeunesse ouvrière et populaire. Nous constatons dans notre lutte contre l'École de classe la destruction progressive d'un grand nombre de formations, en particulier des attaques sur celles liées à l'industrie, et d'autre part le développement des formations en économie, en management, pour les métiers du tourisme, etc. au fur et à mesure que la classe bourgeoise arrive à recentrer des parts de plus en plus large de l'éducation selon ses besoins en travailleurs qualifiés.

Nous sommes à une période pivot : il reste encore trop d'industrie aux goût des capitalistes, mais elle n'est plus dans le centre-ville voire plus à Marseille, en revanche l'économie du tourisme, du commerce, des affaires n’est pas encore à la hauteur de ce qu'ils attendent, malgré la multiplication des prix donnés à Marseille pour la mettre en avant sur le plan international (capitale mondiale de l'eau en 2012, capitale de la culture en 2013, capitale européenne du sport en 2017, ...), malgré la série Netflix sur la ville...Les bureaux neufs sont majoritairement vides à la Joliette, et le haut de la rue de la République n'a des commerces de luxe qu'en trompe l’œil peints sur du carton.

Cette situation à elle seule – destruction de l'industrie et retard d'installation de l'économie de remplacement – ne créé pas le chômage et la précarité. C'est pourtant une des explications qu'on nous sert – nationalement et localement – pour expliquer ces fléaux, qu'on qualifie encore de frictionnels, qu'on attribue à des décalages entre "l'offre" et "la demande" d'emplois.

Mais ce que cette situation créé, c'est un besoin de la bourgeoisie locale à aller encore plus vite dans leurs plans de restructuration de la ville, afin d'attirer au plus vite des investisseurs.

Leur premier but c'est la spéculation, c'est faire monter les loyers. Pas sur le principe d’exclure les pauvres du centre-ville, mais pour augmenter leur rente : si les mêmes habitants restent mais payent plus chers, cela ne pose aucun problème aux grand propriétaires. Dans la pratique, il leur est plus difficile de faire accepter à des familles vivant dans un quartier depuis un moment des hausses de loyer que de les expulser et de recommencer la location avec d'autres habitants, en ayant entre-temps augmenté le loyer.

Il y a cependant une volonté d’aseptiser les quartiers sur le modèle de ce qui se fait dans le Panier. Pour le tourisme l'intérêt est de conserver un aspect "typique" et faussement populaire, afin de charmer les touristes. Mais il y a un besoin pour la bourgeoisie de développer des infrastructures pour que l'argent du tourisme aille dans la poche des monopoles, donc pas des petits commerces. Ce rôle de centralisation du capital a été joué notamment par les Terrasses du Port (qui ne paient pas d’impôts locaux pendant plusieurs années afin de "lancer l'activité", en réalité afin qu'ils tuent le début de la rue de Rome par exemple), et les travaux du tram sur la rue de la République. Les commerces qui n'ont pas voulu mourir ont été "aidés" pour cela, tout comme certains habitants ont été "persuadés" de partir à coup d'invasions de cafards puis par les CRS venus les jeter dehors.

Pour mettre à bien ce plan la Ville procède selon une stratégie de "conquête" par grands axes : d'abord le Vieux Port, et la rue de la République, puis la ligne du tram sur le projet Euromed 1. Par la suite la Joliette, le Panier, et maintenant la Plaine et Noailles, bientôt Euromed 2 qui est à venir vers Les Crottes. La destruction des commerces de proximité, du mobilier urbain, en faisant en sorte que les grandes places soient inhospitalières (pas d'abri pour le soleil ou la pluie) ont pour but de tailler la ville pour le tourisme et pas la vie de quartier. De faire monter les prix au mètre carré.

En parallèle, il faut mentionner la situation des Quartiers Nord, qui représente plus ou moins la moitié de la ville, où la situation est encore pire que dans le centre. Quasiment rien n'y est entrepris et on peut être sûrs que si le même genre de drame que celui qui s'est produit rue d'Aubagne arrivait dans ces quartiers, il n'y aurait pas autant de scandale, encore moins d'ampleur nationale.

Il est certain que des effondrements dans ces quartiers ne mèneraient pas tous les média à les reprendre frénétiquement. Pour cause, quand on connaît la situation de délabrement de certaines cités comme Maison Blanche ou Félix Pyat, les incendies réguliers dans des HLM, la tour de Kallisté qui a été vidée, ... il y aurait matière à faire des articles à scandale tous les jours pendant un long moment. Pourtant toute la presse réactionnaire qui paraît aujourd'hui découvrir les problèmes du logement à Marseille, tout en évitant soigneusement d'envisager que d'autres villes puissent les connaître, elle ne parle jamais de ce qui se passe au-delà de la frontière de la gare St-Charles si cela ne concerne pas des règlements de comptes liés au trafic de drogue.

C'est pourtant la même presse qui aujourd'hui s'étale en éditions spéciales et en gros titres sur les effondrements rue d'Aubagne, qui s'empresse de dénoncer l’insalubrité, c'est cette même presse qui ne parle jamais de la moitié la plus ouvrière et la plus pauvre de la ville. Ceci parce qu'il n'y a aucune volonté de la bourgeoisie – pour l'instant – d'aller faire des travaux de rénovation d'ampleur dans le nord de la ville (exception faite de l'axe les crottes – marché aux puces, dans le viseur d'Euromed 2).

Cela montre au final que la seule politique de rénovation qui sera menée sera celle qui servira la spéculation immobilière, les hausses de loyer, la corruption généralisée, le rejet des pauvres vers la périphérie de la ville et au final la dégradation généralisée des conditions de logement. Nous ne sommes pas trompés par les projets parcellaires entrepris à l'occasion dans les Quartiers Nord. Chaque fois qu'un aménagement est fait « pour le bien être des habitants », c'est uniquement lorsque la situation devient ingérable, bien après l'explosion de l'urgence sociale.

Ceci n'est pas le résultat d'une mauvaise gestion ! Au contraire la mairie gère très bien la situation du logement à Marseille... pour les intérêts des capitalistes. Nous combattons l'idée qu'avec une "meilleure" gestion il serait possible de satisfaire les besoins sociaux, sans remettre en cause tout le cadre au sein duquel se déroule cette gestion. Nous nous opposons à l'idée que les catastrophes passées et à venir soient le fruit de "l'incurie" ou de "l'incompétence" des services de la ville. Au contraire, ces gens savent pertinemment ce qu'ils font, et les conséquences de leurs choix. Les morts de lundi sont un meurtre, pas un accident.

La seule gestion qui puisse aller dans nos intérêts c'est la gestion ouvrière et populaire, débarrassée de la spéculation et du profit ! C'est la gestion du logement par la planification socialiste au sein d'un État ouvrier et populaire. Notre colère, notre tristesse et notre volonté d'en finir doivent se diriger contre le réel responsable du drame : le système capitaliste dans son ensemble, pas simplement sur un propriétaire, ou uniquement sur la mairie. Ce que nous voyons, c'est la même chose que quand un train déraille parce que l’État se désengage de la SNCF, qu'un intérimaire meurt sur un chantier, qu'une machine mutile à vie un ouvrier, que lorsque l’État français assassine les peuples à l'étranger et se prépare à nous envoyer à la boucherie contre la Russie pour le compte des capitalistes. Les meurtres contre la classe ouvrière et les couches populaires sont une condition nécessaire à la survie du système capitaliste.

À ce titre la réaction de Mélenchon au drame est scandaleuse et monstrueuse, parce qu'elle a pour but d’empêcher le réel responsable d'être pointé du doigt. En excusant Gaudin il cherche à le protéger, et à cristalliser le débat sur sa personne, alors qu'il le dépasse. Il cherche aussi à présenter au capital une caution de plus, pour lui montrer que malgré la pseudo radicalité de certains de ses discours, il le défendra toujours sur les sujets où il la situation l'exigera.

Ceci est à mettre en perspective avec ses prétentions à la mairie : remplacer le PS dans la gestion bipartite de la ville, en place depuis plus de 50 ans. Gaudin a déjà placé Martine Vassal à la métropole, des transferts de cadres marseillais du PS se font vers LFI, Castaner semble avoir abandonné ses visées municipales pour une carrière à l'Intérieur : le champ semble libre pour Mélenchon (même si Castaner peut encore changer son fusil d'épaule). Marseille est la ville qu'il semble de plus vouloir utiliser comme base politique, le lieu où ses scores électoraux sont les plus importants, ... Les engrenages semblent bien engagés pour que la même gestion municipale continue avec un simple changement de personnel. Au lieu que le RPR-UMP-LR tienne la mairie centrale et les socialistes les quartiers, les premiers seront à la métropole et les nouveaux socialistes à la mairie centrale. Nous verrons dans les prochain mois quel gloubi-boulga sera fait dans les mairies d'arrondissement, quelles tractations seront passées avec les barons locaux incontournables pour contrôler les quartiers populaires, mais le gros de la recombinaison semble dessiné. Mélenchon donne ici une caution supplémentaire au capital en même temps qu'il endosse de plus en plus le rôle historique et universel de la social-démocratie : celui d'orienter la colère des travailleurs vers le marasme. Il ne propose rien d'autre que des élections, que du travail au sein de la légalité bourgeoise (qui n'est conçue que pour assurer la reproduction des rapports sociaux bourgeois), que de fausses perspectives, et en plus il fait tout pour que les réels responsables ne soient pas mis dans le viseur des masses.

Nous dénonçons sa position, au contraire nous nous adressons à tous les travailleurs, à tous ceux qui se sentent en colère, indignés, inquiets pour eux, pour leur familles, leur proches, leur collègues de travail, leurs voisins : nous les appelons à utiliser l'énergie et l'indignation pour se regrouper dans nos lieux de travail, pour lier les drames et les scandales qui touchent notre classe à l'exploitation quotidienne, et donc à lier ces luttes. Ces affaires doivent nous fournir l'énergie et la détermination pour lancer la contre-attaque contre le capital, pour regrouper le mouvement ouvrier et syndical, pour affermir nos rangs et les renforcer dans l'opposition à la classe capitaliste, pour multiplier et unir les luttes.

La question du logement n'est pas une question uniquement ouvrière, mais nous avançons que seule la classe ouvrière peut la régler, mais que pour cela elle a besoin de forger son alliance avec les autres classes populaires qui vivent la paupérisation, l'indignité, sous le joug de la bourgeoisie. Une perspective doit nous unir : c'est la société nouvelle, la société socialiste qui avance vers le communisme.

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