Sur la question palestinienne

Par la commission internationale du Conseil départemental de la JC 13.

 

  1. Le peuple palestinien est privé de sa terre et tout droit à décider de son avenir depuis plus de cent ans. Il a d’abord été colonisé par les Britanniques à la suite de la Première guerre mondiale puis par l’Etat d’Israël.
  2. L’Etat d’Israël est un Etat colonial qui se fonde sur une doctrine politique (et non religieuse) : le sionisme.
  3. Le sionisme est une idéologie politique qui considère les juifs non comme une religion ou un ensemble de communautés religieuses et culturelles diverses mais comme une nation homogène qui n’aurait pas sa place ailleurs qu’en Palestine, berceau du peuple juif.
  4. C’est une idéologie raciale et nationaliste. Ces fondateurs, notamment Theodore Herzl, ne cachait pas leur proximité avec les mouvements antisémites nés XIXème siècle. Eux aussi considéraient les Juifs comme étrangers à l’Europe. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale et la Shoah, le sionisme était rejeté par la grande majorité des communautés juives.
  5. Le sionisme est également une idéologie et un projet colonial qui dès le départ nie tout droit aux autochtones sur leur terre. C’est donc aussi une idéologie raciste qui considère les Arabes comme inférieurs aux Juifs.
  6. L’Etat d’Israël est fondé sur la spoliation et l’oppression nationale du peuple palestinien. Il n’a jamais eu pour vocation à être autre chose que « l’Etat-nation exclusif du peuple juif » (Netanyahou), c’est-à-dire un régime d’apartheid. La solution à deux Etats n’a jamais été considéré sérieusement par les dirigeants israéliens : la colonisation est le cœur même de l’entité sioniste, dernière entité de colonisation de peuplement au monde.
  7. Israël est l’allié principal des puissances impérialistes occidentales au Proche Orient. C’est « l’avant-poste de l’Occident » (Eric Zemmour) contre les peuples du Proche-Orient, arabes mais pas seulement. Il est aussi une forme de colonisation par procuration.
  8. L’actuel gouvernement israélien est ouvertement fasciste et raciste, mais il est dans la continuité de tous les autres.
  9. Le peuple palestinien est de plus en plus isolé : les accords d’Abraham, sous le patronage US, permettent aux régimes réactionnaires arabes de normaliser leurs relations avec Israël, et ainsi abandonner leur soutien de façade à la Palestine.
  10. Le mouvement national palestinien a toujours été multiforme. Pendant longtemps il a été dominé par le Fatah laïc, jusqu’à ce que ce dernier capitule avec les accords d’Oslo, en 1993.
  11. Les accords d’Oslo, réalisés sous le patronage de l’impérialisme US, ont été présentés comme une pas vers une paix juste et durable en Palestine. En réalité ils ont acté la capitulation militaire du Fatah qui déposa les armes en échange d’un contrôle limité sur quelques portions de territoires de Cisjordanie et de Gaza. Ils actèrent la colonisation de la Cisjordanie et ont rendu matériellement impossible toute création d’un Etat palestinien viable dans les frontières de 1967 (pour peu que cette solution n’ait jamais été possible).
  12. La création du Hamas, issu des Frères musulmans, a été initialement encouragée par les services secrets israéliens et les régimes réactionnaires arabes pour fracturer le mouvement national palestinien, alors regroupé dans l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP, dont les deux principales forces étaient le Fatah et le FPLP).
  13. La Charte du Hamas de 1988 est explicitement antisémite et anticommuniste. Le Hamas n’hésite alors pas à assassiner des militants communistes et progressistes palestiniens, qui font également face à la trahison de leur ancien allié du Fatah (emprisonnement du secrétaire général du FPLP, Ahmad Saadat, par l’Autorité palestinienne en 2003).
  14. A la suite de la capitulation du Fatah, le Hamas, qui refuse toute négociation avec Israël, apparaît à beaucoup de Palestiniens comme une alternative, le seul moyen de continuer la Résistance.
  15. Le Hamas gagne massivement les élections législatives palestiniennes de 2006. Ce succès s’explique à la fois par une volonté du peuple palestinien de lutter, par la corruption du Fatah et de l’AP mais aussi par la tactique du Hamas de s’impliquer dans des œuvres sociales, bénéficiant de financement qatari avec l’accord d’Israël.
  16.  Les élections ont été annulées par l’Autorité palestinienne, contrôlée par le Fatah. Le Hamas est parvenu à prendre le contrôle de la bande de Gaza, en éliminant militairement le Fatah.
  17. En représailles, Israël impose un blocus meurtrier à la bande de Gaza et mène des opérations militaires dévastatrices.
  18. Le Hamas a par la suite policé son discours, édité en 2017 une nouvelle Charte où l’on note l’absence de références antisémites ou à l’héritage des Frères musulmans. Elle ouvre également la porte à des négociations fondées sur la solution à deux Etats comme « étape intermédiaire », sans pour autant abandonner son objectif d’une « Palestine islamique ». Dans les faits le Hamas manie un double discours et demeure une force bourgeoise opportuniste, qui suit ses propres objectifs.
  19. L’offensive palestinienne du 7 octobre n’est pas seulement le fait du Hamas. C’est une offensive coordonnée entre toutes les forces de la composante armée de la Résistance palestinienne. C’est-à-dire les branches armées du Hamas (islamiste), du Jihad islamique en Palestine (JIP, islamiste mais en pratique moins que le Hamas et davantage nationaliste), du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP, marxiste-léniniste) et du Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP, scission originellement maoïste du premier). Le Hezbollah (islamiste chiite) et l’armée arabe syrienne (armée du régime Assad) ont également mené des offensives en soutien par la suite.
  20. Elle a fait 1400 morts côté israélien, dont 309 militaires, 58 policiers et 10 agents du renseignement israélien. 1500 combattants palestiniens sont morts durant l’opération. 229 soldats et colons ont été fait prisonniers.
  21. Si l’offensive est une réaction directe à des crimes commis par les colons à Jérusalem-Al Qods (profanation de la mosquée Al-Aqsa, dévastation du village de Hwara), elle s’inscrit dans une guerre de libération nationale qui oppose le peuple palestinien à l’Etat d’Israël depuis 75 ans.
  22. Au cours de l’offensive palestinienne, des crimes ont été commis ou auraient été commis par certains combattants palestiniens, principalement du Hamas. Citons par exemple la fusillade de la rave party ou les assassinats de civils dans plusieurs kibboutzim (colonies).
  23. Il est délicat de commenter ces événements alors que ces derniers sont encore récents. Concernant les massacres, des journalistes de Franceinfo dépêchés sur place ont reconnu ne pouvoir attester de la matérialité de certains faits supposés, comme l’assassinat d’enfants en bas âge.
  24. Ces éléments sont massivement instrumentalisés pour dénoncer comme « barbare » et « terroriste » la Résistance palestinienne, qui, pour sa part, nie avoir ordonné la mort de femmes, d’enfants et de personnes âgées. Il s’agirait selon elle d’exactions provoquées par des habitants de Gaza non encadrés par ses organisations.
  25. Le sort des civils israéliens a bénéficié d’une large couverture médiatique et a suscité une empathie légitime dans l’opinion publique occidentale. Nous devons toutefois rappeler que les civils israéliens sont des colons, à l’instar des colons français en Algérie ou européens en Amérique du Nord aux XVIIIème – XIX èmes siècles. Si nous ne pouvons approuver et encore moins nous réjouir de violences contre des civils désarmés (ce qui est loin d’être toujours le cas, surtout en Cisjordanie où les colons commettent de nombreuses exactions) notamment des enfants et personnes âgées ; le peuple palestinien lutte pour sa survie face à une colonisation de peuplement et à une des armées les plus puissantes du monde.
  26. Nous refusons toute mise à égalité de la violence du colonisateur et de la violence du colonisé. Les luttes de libération nationale sont des conflits asymétriques, les actes de violence contre les colons en sont souvent indissociables. Beaucoup de personnes « de gauche » célèbrent aujourd’hui Nelson Mandela mais oublient que ce dernier dirigeait la branche armée de l’ANC (avec forte participation des communistes) qui commit des attentats ciblant la population blanche d’Afrique du Sud (explosion de bombes dans les lieux réservés aux Blancs, assassinats de fermiers blancs s’étant installés sur des terres volées). Durant la guerre d’Algérie, le FLN commit aussi des attaques contre les colons : attentat du Milk Bar, massacre de Philippeville. A ceux qui le critiquaient Mandela répondait : « C’est l’oppresseur et jamais l’opprimé qui détermine la forme de lutte. Si l’oppresseur choisit la violence, l’opprimé n’aura pas d’autre choix que la violence ».
  27. Cette violence reste toujours sans commune mesure avec celle du colonisateur : 30 000 morts depuis l’an 2000 (230 depuis janvier 2023 avec notamment des bombardements « préventifs » sur Gaza en mai et sur le camp de réfugiés de Jénine en juillet), des millions de refugiés, 10 000 prisonniers (dont des centaines d’enfants), blocus de Gaza, nettoyage ethnique en Cisjordanie et à Jérusalem Est, des spoliations permanentes, humiliations quotidiennes, discriminations contre les Palestiniens de citoyenneté israélienne…
  28. Toutefois l’écrasante majorité des travailleurs juifs vivant sur le territoire de Palestine n’ont pas d’intérêt au colonialisme. Pour eux aussi, l’Etat d’Israël se transforme en une prison fasciste et militariste où l’exploitation capitaliste est de plus en plus sauvage, la division raciste et xénophobe, y compris entre Juifs, quotidienne.
  29. Les travailleurs juifs vivant en Palestine ont tout intérêt à abandonner leur statut de colon et de fraterniser avec le peuple palestinien dans la perspective d’une Palestine démocratique, laïque, socialiste, libre de la Mer au Jourdain. La seule solution pour que la population issue de la colonisation vive en paix et en sécurité, c’est la fin du colonialisme et de ses institutions.
  30. Les organisations qui poursuivent cet objectif sont historiquement le FPLP et le FDLP. Ces deux organisations travaillent également à l’unité de toutes les forces de la Résistance. Il existe aussi un Parti communiste palestinien (membre de Solidnet) qui défend cet objectif, reprenant ainsi la ligne historique de l’Internationale communiste et de sa section palestinienne avant 1948.
  31. Le Parti communiste d’Israël et son homologue le Parti du peuple palestinien (tous deux également membres de Solidnet) défendent toujours la solution à deux Etats dans les frontières de 1967, s’opposent à la colonisation de la Cisjordanie, au blocus et aux opérations militaires. Le Parti du peuple s’oppose également à l’Autorité palestinienne et au Fatah, et est revenu sur son soutien aux accords d’Oslo.
  32. Pour l’heure les revendications immédiates du peuple palestinien sont : arrêt des opérations militaires israéliennes, libération de tous les prisonniers, fin du blocus sur Gaza, liberté de circulation pour tous, droit au retour des réfugiés, évacuation de la Cisjordanie (militaires et colons).
  33. La cause des prisonniers est primordiale dans la lutte du peuple palestinien : ils représentent l’avant-garde de la Résistance palestinienne. Citons notamment Marwan Barghouti (ancien dirigeant de la branche armée du Fatah) et Ahmad Saadat (secrétaire général du FPLP). Les prisonniers s’expriment politiquement, appelant notamment à l’unité de toutes les forces palestiniennes, au-delà des clivages sectaires entretenus par les directions du Hamas et du Fatah (communiqué unitaire de 2021).
  34. Le plus vieux prisonnier politique du monde est lié à la Résistance palestinienne et est détenu par la France : il s’agit de notre camarade Georges Ibrahim Abdallah, emprisonné depuis 39 ans par l’Etat français pour des faits de résistance sur le sol français, ce qu’a reconnu Yves Bonnet, ex-directeur du renseignement français qui a procédé à son arrestation. Libérable depuis 1999, il est l’objet d’une véritable vengeance d’Etat. 
  35. En France, nous devons refuser et combattre résolument toute criminalisation du soutien à la Palestine : nous devons exprimer notre solidarité avec toutes les autres organisations menacées de dissolution ou de poursuites judiciaires pour avoir pris position, comme par exemple l’UD CGT du Nord, dont le secrétaire général Jean-Paul Delescaut, ainsi que la secrétaire administrative de l’UD ; ont été placés en garde-à-vue pour « apologie du terrorisme ».
  36. Cette répression s’inscrit dans le tournant policier et raciste de l’Etat bourgeois que nous avons maintes et maintes fois analysé et dénoncé. A un ennemi extérieur, la bourgeoisie impérialiste a besoin d’adjoindre un ennemi de l’intérieur : musulmans, immigrés et militants ouvriers qui se refusent à la collaboration de classe.
  37. Nous dénonçons le plus fermement toute récupération à des fins antisémites du soutien à la Palestine. Nous dénonçons l’antisémitisme comme une des formes les plus répugnantes de racisme, qui historiquement a mené au génocide le plus meurtrier de l’histoire.
  38. Le sionisme et l’antisémitisme partagent en commun l’idée que les juifs forment un bloc homogène, étranger à la nation française, à l’Europe…Nous disons au contraire que les juifs forment un ensemble de communautés religieuses et culturelles (parfois linguistiques) diverses, aux traditions plurielles et anciennes qui se rattachent à un fonds commun plurimillénaire. Elles sont partie intégrante de la civilisation humaine et des nations où elles se sont formées et développées.
  39. A l’heure où ces lignes ont été écrites, plus de 8300 Palestiniens ont été tués à Gaza, dont plus de 3400 enfants. Des écoles de l’ONU, des mosquées et des hôpitaux ont été délibérément ciblés ; ainsi que des corridors humanitaires pourtant désignés comme « sûrs » par Tsahal. Le gouvernement israélien ne cache plus ses intentions de procéder à un véritable génocide, comparant les Gazaouis à des « animaux » (ministre de la Défense israélien). Une centaine de Palestiniens ont également été tués en Cisjordanie (contre un policier tué et dix soldats blessés côté israélien).
  40. Le plan de long terme d’Israël est l’annexion de Gaza et de la Cisjordanie et, pour ce faire, la déportation de la majorité de la population de ces territoires dans le Sinaï, le Néguev et le désert jordanien. La population restante est destinée à être parquée dans les zones actuellement contrôlées par l’Autorité palestinienne, afin de servir de main d’œuvre quasi gratuite dans les colonies. Ce plan est établi depuis 1967, il est aujourd’hui clairement revendiqué par Netanyahou.
  41. Le mouvement ouvrier, en France comme ailleurs, doit s’opposer résolument à cette offensive criminelle et se tenir aux côtés du peuple palestinien sans faillir et sans hésitation.
  42. Des actions de solidarité concrète avec le peuple palestinien doivent être menées. Nous saluons et nous engageons à soutenir toutes les initiatives qui vont dans ce sens : collectes de dons ou de matériel médical, opérations de boycott, meetings, conférences, rassemblements, manifestations…
  43. Nous appelons à articuler le soutien à la Palestine à la lutte contre l’impérialisme français. L’Etat impérialiste français est aussi un Etat colonial et guerrier, qui écrase des peuples entiers en Afrique et ailleurs au seul profit de sa bourgeoisie. L’Etat français et l’Etat d’Israël coopèrent sur les plans militaire et sécuritaire et se renforcent mutuellement : lutter contre l’un, c’est lutter contre l’autre.
  44. Nous appelons enfin la jeunesse à souder ses rangs. Les dernières séquences de lutte ont montré son potentiel. Historiquement, la jeunesse de France a été à la pointe des grands combats contre la guerre et le colonialisme : guerre du Rif, guerre de Corée, guerre d’Indochine puis du Vietnam, guerre d’Algérie, soutien à la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud…Déjà, les militants pour la paix et l’émancipation des peuples étaient qualifiés de « terroristes » ou de « complices de terroristes ». Mais l’Histoire a balayé ces accusations. L’avenir est à la jeunesse des peuples du monde, pas aux colons et aux impérialistes !
  45. Nous invitons enfin ceux qui lisent la présente déclaration de prendre connaissance de ces différents communiqués, dont nous avons jugé utile de porter à la connaissance du plus grand monde.

Déclarations de différents Partis communistes et ouvriers dans le monde :

http://www.solidnet.org/article/2023_Palestine/

Déclaration de la Fédération Mondiale de la Jeunesse Démocratique (FMJD) :

https://wfdy.org/statements/2023/10/07/free-palestine/

      Organisations juives anticolonialistes en France :

https://ujfp.org/la-source-de-la-violence-est-le-colonialisme/

https://ujfp.org/communique-du-collectif-tsedek-suite-a-loffensive-de-la-resistance-palestinienne/

impérialisme Solidarité Internationale Palestine Résistance prisonnier politique

×