Quelles solidarités avec le peuple palestinien ? - Meeting à Marseille

Mardi 21 mai, la Jeunesse Communiste des Bouches-du-Rhône est intervenue au Meeting initiée par Urgence Palestine Marseille intitulé « Quelles solidarités avec le peuple palestinien ? » en présence d'autres organisations politiques comme l'ANC, LFI, EELV, NPA et RP. Nous partageons notre intervention complète ci-après, trouvable également sur notre chaîne YouTube.

Lien vers l'intervention complète filmée :

https://youtu.be/3BivjJfjiTc?feature=shared

 

« Chers amis, chers camarades, 

 

Avant de pleinement parler de la Palestine, j’aimerais si vous me le permettez prendre quelques instants pour un autre peuple colonisé qui vit un instant de révolte inédit : le peuple Kanak.

 

Appelée Nouvelle Calédonie par l’Etat français, la Kanaky est sous domination coloniale depuis 171 ans.

 

Aujourd’hui, nous souhaitons saluer la révolte en cours contre les mesures dites de dégel du corps électoral, qui ont pour but de mettre en minorité les Kanaks sur leur propre sol. A terme ils veulent faire subir à ce peuple la même extinction à petit feu qu’aux Aborigènes d’Australie et aux tribu Amérindiennes.

 

Nous saluons en particulier la jeunesse qui se lève, qui nous évoque à tous une autre jeunesse, qui s’est levée depuis les quartiers délaissés de la métropole, eux aussi soumis à une gestion néo-coloniale. Je parle des soulèvements de la jeunesse en protestation contre l’assassinat raciste de Nahel par la police.

 

Trop souvent, on ne donne pas de place à ces jeunes au sein de la contestation organisée et du mouvement ouvrier, populaire et de jeunesse. Ils font pourtant bien partis de notre classe, leur lutte cible au fond un même ennemi. Nous avons donc le plus grand intérêt à nous unir tous ensembles à travers toutes les formes de nos luttes.

 

Nous voulons préciser notre soutien total envers l’indépendance non seulement des Kanaks, mais aussi des comoriens de Mayotte, ayant subi l’opération Wumbushu des mains de notre sinistre Darmanin, des Guyanais, de tous les “DOM TOM”. En réalité, de toutes les colonies.

 

Il faudrait élargir cette liste à tous les pays formellement indépendants mais sur lesquels la France exerce une pression et une influence si énorme que cette indépendance n’est qu’au regard du timbre et du drapeau. C’est pourquoi nous soutenons les mouvements d’émancipation des peuples du joug du néo-colonialisme et tout particulièrement de la Françafrique. Citons le Franc CFA, monnaie dont le cours est décidé par la Banque de France, qui le stocke et le frappe. Citons également les bases militaires, les opérations soi-disant antiterroristes, les envahissements, …

 

Si nous faisons cette sorte de déclaration de principe, c’est à la fois pour présenter notre position à ceux ici présents qui ne nous connaitraient pas, mais également afin d’amener un premier élément de débat.

 

Pourquoi en tant qu’organisation de jeunesse communiste, faisant partie du mouvement organisé des prolétaires de la métropole impérialiste, nous soutenons l’émancipation de tous les peuples opprimés par “notre” impérialisme ?

 

Pour certains, la réponse sera assurément motivée par des arguments moraux, humanistes. A entendre ces gens là, coloniser c’est mal. A les entendre également, les peuples opprimés du monde ne sont que les pauvres victimes innocentes de leur méchant oppresseur. C’est ainsi que nous, habitant dans le même pays que la bourgeoisie impérialiste qui organise les massacres et les spoliations, nous devrions nous sentir coupables que cela soit fait en notre nom, et donc nous empresser de le dénoncer.

 

Je caricature, mais le problème avec ces positions bien réelles, c’est que dès que l’opprimé cesse d’être uniquement l’objet de la force coloniale, qu’il devient acteur, sujet conscient et entre en résistance avec les moyens qu’il trouve ; alors ce genre de “soutiens” ont tendance à devenir de plus en plus “critiques” voir à carrément hurler avec les loups impérialistes qu’ils condamnaient quelques instants avant.

 

Je pense que tout le monde comprend cette logique depuis le 7 octobre : tous ceux qui soutenaient la Palestine uniquement par humanisme se sont fait très silencieux au moment où il fallait saluer une journée d’offensive stratégique jamais vue dans l’histoire de la résistance palestinienne, dont le poids politique ne pourra honnêtement être mesuré avant des mois voire des années tant il va être important.

 

Aujourd’hui, je suis fier de vous dire que nous n’avons pas fait partie de ces soutiens en carton.

 

Car notre approche est différente. Bien sûr, comme nous l’a enseigné le camarade Ernesto Che Guevara, nous devons ressentir chaque injustice dans le plus profond de notre être et trembler de colère face à elle.

 

Mais nous sommes également conscients que nous sommes bien plus proches de nos frères et sœurs Kanaks et Palestiniens que des grands actionnaires, banquiers, patrons milliardaires et haut fonctionnaires de l’Etat français.

 

Le nickel exploité en Kanaky, va être présent dans tous les aciers inoxydables que nous utilisons. C’est une manière de le voir.

 

Mais une autre manière de le voir est que l’entreprise Eramet, l’un des principaux exploitants du Nickel des Kanaks, est possédée en majorité par la famille Duval, une des plus grandes fortunes de France, grands patrons des mines et de l’acier, famille mêlée à Areva et donc au complexe militaro-industriel français.

 

Ce sont ces mêmes personnes qui détruisent nos vies ici et qui colonisent là bas, et c’est précisément pour cette raison que nous avons raison de nous unir.

 

En ce qui concerne la Palestine, nous devons rajouter l’importance stratégique de ce pays. Non seulement, Israël est un outil pour assurer aux impérialistes leur contrôle sur toute une partie du moyen orient. 

Mais aussi, la cause palestinienne est un des moteurs de la révolte des pays Arabes, et un critère qui met à nu la trahison de leurs dirigeants.

 

C’est pourquoi les impérialistes sont aussi déterminés dans leur soutien à Israël. A ce sujet, j’aimerais être très clair : les remous diplomatiques actuels entre les Etats Unis et Israël, ou avec la France, ne sont en aucun cas une remise en cause du processus colonial, ni même des massacres.

 

Ces gouvernements sont les plus impérialistes, les 1er et 2e vendeurs d’armes au monde, ceux avec les domaines coloniaux et néo-coloniaux les plus importants, qui n’ont reculé devant aucun massacre génocidaire lors de leurs guerres de colonisation ou de décolonisation. Pourtant, aujourd’hui, ils versent des larmes de crocodile sur le sort des palestiniens et menacent le gouvernement de Netanyahu de sanctions suite à l’offensive terrible sur Rafah ; et ça, c’est grâce à nous.

 

C’est notre mouvement international de protestation, avec toute sa force, sa vigueur et sa diversité qui a forcé à une réaction de la part de nos gouvernements.

 

Sans les images de Gaza, sans notre relai, sans nos luttes sous toutes leurs formes, les palestiniens auraient été massacrés dans un silence complice et coupable des mêmes figures qui aujourd’hui trouvent que le massacre va trop loin, et argumentent ensemble sur le juste nombre de palestiniens à tuer.

 

Pour cette raison, nous ne devons également plus parler de l’offensive du 7 octobre. Il faut noter aujourd’hui qu’elle a permis de focaliser l’attention d’une grande partie de la planète sur les souffrances du peuple palestinien. Elle a forcé l’Etat fasciste israélien à sortir du bois et se montrer tel qu’il est aux yeux de tous. Elle a envoyé l’électrochoc nécessaire aux peuples travailleurs du monde pour qu’ils utilisent toute leur énergie à soutenir la Palestine. Bref, elle a été mise au centre des débats.

 

Mais la lutte du peuple palestinien ne se résume pas au 7 octobre. Elle dure depuis plus de 75 ans et continue encore aujourd’hui.

 

C’est pourquoi nous devons comprendre ensemble que même si les souffrances du peuple palestinien sont nombreuses dans cette période, non seulement nous devons avoir de l’espoir, mais nous devons aussi comprendre comment la situation s’empire pour Israël.

 

L’isolement de cet Etat voyou et colonialiste progresse. Chaque soldat israélien tué crée une famille supplémentaire qui n’a plus rien à perdre et qui veut demander des comptes à Netanyahu, dont le pouvoir n’a jamais été autant contesté. En même temps, la fuite en avant militaire est la seule option à sa disposition. Les frais d’une guerre aussi asymétrique sont bien plus élevés pour le dominant, avec toute son armée moderne, des frais qui impliquent des prêts avec les USA, la France, la Grande Bretagne, etc, qui devront être remboursés.

 

Ces éléments peuvent, et doivent, nous inspirer pour faire face à nos propres difficultés, quant à l’organisation de la solidarité internationale avec la Palestine.

 

Je veux parler de la question de la répression, qui s’accentue dans la période actuelle. 

 

La première des choses à dire, c’est de saluer tous les militantes et les militants anonymes qui dans les premiers jours après le 7 octobre, ont organisé des manifestations, bravé les interdits, pris des amendes, convocations, arrestations, dans un contexte où aucun mouvement structuré de solidarité n’était en capacité d’organiser la lutte et de se protéger contre la répression.

 

C’est un réflexe de classe, un réflexe internationaliste qui a parlé. Et ça a été la première étape de notre récent mouvement, qui a directement lié la lutte pour le peuple palestinien avec la lutte pour le maintien de nos libertés démocratiques.

 

Dans la période actuelle, nous revenons vers une phase plus répressive, bien que différente. Ce sont maintenant les convocations, les procès qui s’enchaînent, comme celui de notre camarade Jean Paul Delescaut, secrétaire général de l’Union Départementale CGT du Nord, condamné à un an de sursis pour apologie du terrorisme.

 

Face à cette répression nous envoyons toute notre solidarité à ceux qui sont frappés. Rima Hassane, Mathilde Panot, Anasse Kazib, les étudiants de science Po Paris, François et Odile étudiants à Aix. 

 

Nous mènerons ensemble la lutte pour la Palestine et la lutte pour nos libertés. Nous avons les outils juridiques, bien sûr, mais aussi d’autres outils qui sont moins souvent évoqués dont j’aimerais dire 2 mots.

 

Lorsque les manifestations étaient encore toutes interdites, que Stéphane Ravier demandait la dissolution d’une dizaine d'organisations dont la nôtre au Sénat, nous avons lancé un appel à la jeunesse. Il consistait simplement à brandir le drapeau palestinien partout, à braver tous les interdits et à prendre toutes les initiatives pour multiplier les évènements en faveur de la Palestine.

 

Avec nos modestes moyens, nous avons voulu introduire dans un moment précis la question de la désobéissance civile : si nous sommes assez nombreux à nous organiser pour ne pas respecter une loi, alors il est beaucoup plus simple de la casser. Bien sûr, nous ne prétendons pas avoir aujourd’hui un tel impact sur notre société. Mais cette expérience a une valeur et nous voulions la partager aujourd’hui.

 

Il est une chose concernant la répression qui doit aujourd’hui devenir évidente pour nous tous : c’est uniquement le rapport de force qui tranche les enjeux.

Les règlements, les constitutions, le droit international : ce sont des conventions que les capitalistes décident de plus ou moins respecter, jusqu’à un certain point.

Quand les enjeux deviennent trop importants, il n’y a plus que la force qui parle.

 

Par exemple, pour la résistance palestinienne, la force des armes.

 

Mais pour notre cas, nous devons parler de ce qui constitue notre rapport de force. C’est un débat qui a son importance pour notre mouvement et la question de ce soir : quelles solidarités avec la Palestine ?

 

Nous avons tous ensemble organisé une manifestation par semaine tous les dimanches depuis plus de 6 mois, et un nombre très important d’autres initiatives que je ne vais pas toutes énumérer ici.

 

Cela a eu un effet important, même si nous avons du mal à le mesurer.

 

Notamment sur un front que l’on pourrait appeler culturel ou idéologique : aujourd’hui, la cause palestinienne est bien mieux connue qu’il y a 6 mois, dans ses subtilités et débats, par un nombre plus grand de personnes. Ceci est déjà une victoire.

 

Mais nous avons aussi pu avoir des réactions, comme par exemple la campagne menée par UPM concernant le Jumelage entre Marseille et Haïfa, et la question de la subvention de 80.000 euros envers l’UNRWA suspendue.

 

Nous sommes dans l’obligation de noter que le rapport de force fondamental, économique, nous ne l’avons pas encore construit suffisamment. 

 

En ce qui nous concerne, les jeunes, nous devons noter notre propre faiblesse sur les lieux d’études dans les Bouches du Rhône. Actuellement, il n’y a pas d’université occupée dans le département, même si nous voyons le mouvement étudiant peu à peu prendre son essor, en réaction aux répressions durant l’Israeli Appartheid Week, puis à Science Po Paris, puis contre les deux camarades d’Aix en Provence.

 

Pour ce qui est des lycées, je peux aussi vous annoncer que des blocages ont été organisés la semaine dernière, et qu’on peut tout à fait espérer voir un mouvement lycéen se développer et nous rejoindre en solidarité avec la Palestine.

 

Les occupations dans les lieux d’études, ce sont de notre avis les armes principales de la jeunesse étudiante, en termes de visibilité tout comme de réel rapport de force, afin de contribuer à un blocage plus grand.

 

Malgré ces critiques, nous devons ici vous dire toute notre fierté de voir une jeunesse anti-impérialiste, celle qui dans les rues de Marseille a pour la première fois scandé le slogan : “Vietnam, Algérie, Palestine vaincra aussi !”

 

Ainsi la répression a aussi eu cet effet d’accélérateur, et a précipité l’entrée en lutte de nouvelles personnes. Elle a cassé des illusions sur la nature soi-disant démocratique, humaniste et pacifique de notre république, ses institutions, sa police, ses universités…

 

Nous avons raison de dénoncer cette répression, qui est absurde, qui ne respecte pas ses propres règlements, qui tombe dans la paranoïa et l’autoritarisme. Mais gardons en tête que nous devrions peut-être être plus inquiets si nous ne subissons aucune répression : cela serait le signe que notre mouvement se serait transformé en quelque chose d’institutionnel et de routinier, qu’il ne constituerait plus une menace.

 

C’est pourquoi nous devons peut-être aussi interroger notre manière de réagir face à la répression, et surtout mettre en avant la multiplication des luttes qu’elle crée.

 

Avec le rapport de force et la répression, une autre question qui nous traverse souvent c’est l’unité.

 

Nous avons l’habitude de le dire à la JC, l’unité ce ne sont pas 5 ou 6 organisations ne travaillant jamais ensemble qui se mettent d’accord pour signer un texte réduit à son plus petit dénominateur commun. Bien entendu parfois ce type d’initiatives est utile, mais si nous parlons de l’unité de façon plus large alors nous devons chercher ailleurs.

 

Nous devons dire aujourd’hui que nous avons la chance ici à Marseille de s’être rassemblés dans notre inter-organisation entre organisations qui partagent cette idée de chacun contribuer à un mouvement commun.

 

Trop souvent, le problème que nous rencontrons dans la vie militante, ce sont les camarades qui se pensent d’abord comme leur organisation, ensuite comme en lien avec le mouvement, mais extérieur à celui ci. Ce dont nous avons au contraire besoin, c’est de réfléchir d’abord en tant que partie intégrante du mouvement de solidarité avec la Palestine, de se mettre au service de celui ci, de son plein développement, avec comme le dit si bien le camarade Georges Ibrahim Abdallah : “toute la diversité de nos engagements”.

 

Et cela bien sûr, c’est dans la lutte que nous le réalisons ensemble, avec des actes et pas avec des paroles. Car des “amis” du peuple avec de beaux discours il y en aura beaucoup, mais ceux qui s’y conformeront dans les actes, moins.

 

En ce qui nous concerne, c’est ce type de solidarité internationaliste et de classe que nous voulons aider à organiser. 

 

En soutien inconditionnel avec le droit des palestiniens à vivre sur leur territoire historique, pour le droit au retour, la libération de tous les prisonniers dont nous voulons citer Georges Ibrahim Abdallah, Ahmad Sa’adat et Marwan Barghouti, pour la fin de l’appartheid, et pour un cessez le feu immédiat et permanent à Gaza.

 

Nous pensons que notre condition d’exploités là où nous vivons est liée par un même système impérialiste à celle du peuple palestinien colonisé.

 

En tant que première organisation politique de jeunesse du département, nous renouvelons ici notre engagement d’être aux côtés de tous les jeunes qui veulent entrer en lutte contre le capitalisme et l’impérialisme.

 

En conclusion, afin d’apporter du coeur à ce meeting, j’aimerais simplement vous raconter ce qui s’est passé à Aix en Provence dimanche dernier.

Lors du passage de la flamme olympique de la honte, les étudiants du conservatoire se sont réunis en orchestre réduit, et devant ce symbole ont joué leur version de Mawtini, rendant hommage à la résistance Palestinienne.

 

C’est cela, aussi, notre solidarité envers la Palestine, qui nous en somme sur, ne pourra que vaincre. »

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